Datant des environs de 160, cette épître anonyme adressée à un païen de haut rang est une des plus ancienne apologies qui nous soit parvenues.
Quoique l'on ignore tout de son auteur, elle est généralement classée parmi les écrits des Pères apostoliques.
I. Je vois, Excellent Diognète, le zèle qui te pousse
à t'instruire sur la religion des Chrétiens, la clarté
et la précision des questions
que tu poses à leur sujet : à quel Dieu s'adresse leur
foi ? Quel culte lui rendent-ils ? D'où vient leur dédain
unanime du monde et
leur mépris de la mort ? Pourquoi ne font-ils aucun cas des
dieux reconnus par les Grecs et n'observent-ils pas les superstitions
judaïques ? Quel est ce grand amour qu'ils ont les uns pour les
autres ? Enfin pourquoi ce peuple nouveau - ce nouveau mode de
vie - n'est-il venu à l'existence que de nos jours et non plus
tôt ?
2. Je te félicite de cette ardeur et je prie Dieu, de qui nous
vient le don et de parler et d'entendre, qu'il m'accorde le langage le
plus
propre à te rendre meilleur, toi qui m'écoutes, et qu'il
te donne de m'écouter de manière à ne pas être
un sujet de tristesse pour
moi qui te parle.
II. Quand donc tu auras purifié ton esprit de tous les préjugés
qui l'assiègent, quand tu te seras dépouillé des habitudes
trompeuses, quand tu seras devenu un homme nouveau semblable à
celui qui vient de naître - puisque c'est un langage nouveau, tu
en conviens toi-même, que tu t'apprêtes à entendre
-, considère non seulement avec les yeux, mais aussi par la raison,
quelle est la
substance ou la forme de ceux que vous appelez et reconnaissez dieux.
2. L'un n'est-il pas une pierre semblable à celle qu'on foule
aux pieds ? L'autre du bronze, sans plus de valeur que les ustensiles
fondus pour notre usage ? Cet autre du bois, et déjà
pourri, ou de l'argent - il a besoin d'un homme posté à sa
garde de crainte
des voleurs -, ou du fer rongé par la rouille, ou de la terre
cuite, sans plus d'apprêt que celle dont on se sert pour le plus
vil usage
? 3. Tous ne sont-ils pas faits de matière corruptible ? Façonnés
par le fer et par le feu ? N'est-ce pas un sculpteur qui a fait
celui-ci ? Un fondeur celui-là ? Un orfèvre ? Un potier
? Avant d'avoir été façonnés en forme de dieux
par ces techniques, est-ce
que chacun de ces matériaux n'avait pas déjà changé
de forme sous la main de son artisan et ne le peut-il pas encore maintenant
?
Les ustensiles actuels, faits de la même matière qu'eux,
ne pourraient-ils pas devenir eux aussi des dieux, s'ils rencontraient
le
même artisan ?
4. Inversement, ces dieux que vous adorez en ce moment ne pourraient-ils
pas être transformés par la main des hommes en
ustensiles pareils aux autres ? Ne sont-ils pas tous sourds, aveugles,
inanimés, insensibles, incapables dé se mouvoir ? Ne sont-ils
pas tous sujets à la corruption, à la pourriture ? 5.
Voilà ce que vous appelez des dieux, ce que vous adorez et à
quoi vous
finissez par devenir semblables ! 6. C'est pour cela que vous haïssez
les Chrétiens : parce qu'ils ne les considèrent pas comme
des
dieux.
7. Pourtant, vous qui les croyez et estimez tels, ne les méprisez-vous
pas bien davantage que ne le font les Chrétiens ? Bien plus
qu'eux vous les raillez, les outragez les idoles de pierre ou d'argile,
vous les adorez sans leur donner de gardes ; celles d'argent et
d'or, vous les tenez sous clef pendant la nuit et le jour, vous postez
des gardiens à côté d'elles de peur qu'on ne les dérobe
!
8. Et les honneurs que vous croyez leur rendre sont plutôt pour
ces dieux un désagrément, s'ils sont doués de sentiment
; qu'ils ne
sentent rien, vous le faites bien voir par le sang et la graisse fumante
de vos sacrifices !
9. Qui de vous endurerait, qui tolérerait qu'on lui rende de
tels honneurs ? Il n'y aura personne pour supporter de bon gré un
tel
désagrément, car l'homme est doué de sentiment
et de raison. La pierre, elle, le supporte car elle ne sent rien : vous
faites donc
bien voir qu'elle est insensible.
10. Sur le refus des Chrétiens d'adorer de tels dieux, j'aurais
encore beaucoup à dire, mais si ce qui précède ne
paraît pas
suffisant, je juge inutile d'en dire davantage.
III. J'en viens à ce qui distingue le culte chrétien de
celui des juifs : c'est, je crois, ce que tu désires surtout apprendre.
2. Quand les juifs s'abstiennent de l'idolâtrie dont je viens
de parler, ils ont certes bien raison de croire en un Dieu unique et de
le
vénérer comme maître de l'univers. Mais, quand
suivant l'exemple des païens dont je viens de parler, ils lui rendent
le même genre
de culte, ils sont dans l'erreur. 3. En faisant de telles offrandes
à des idoles insensibles et sourdes, les Grecs manquent de bon sens
; les juifs, qui les présentent à Dieu en s'imaginant
qu'il en a besoin, devraient bien plutôt penser que c'est là
extravagance et non
piété.
4. Car " celui qui a créé le ciel et la terre et tout
ce qu'ils renferment ", qui nous donne gracieusement à tous ce dont
nous avons
besoin, ne saurait lui-même avoir besoin de ces biens qu'il accorde
lui-même à ceux qui s'imaginent les lui donner. 5. A coup
sûr,
ceux qui s'imaginent lui rendre un culte par le sang, la graisse fumante
et les holocaustes et l'honorer par de telles cérémonies,
ne
me paraissent en rien différer de ceux qui déploient
la même libéralité à l'égard d'idoles
sourdes qui ne peuvent prendre part à ces
honneurs. S'imaginer faire des présents à Celui qui n'a
besoin de rien !
IV. Quant à leur crainte scrupuleuse concernant la nourriture,
leur superstition au sujet du sabbat, l'orgueil qu'ils tirent de la
circoncision, la fausse humilité de leur jeûne et des
néoménies, choses ridicules et indignes de mention, je suppose
que tu n'as pas
besoin que je t'en intruise.
2. En effet, parmi les créatures que Dieu a faites pour l'usage
des hommes, accueillir les unes comme réussies, rejeter les autres
comme inutiles et superflues, comment cela peut-il être permis
? 3. Accuser Dieu de défendre d'accomplir une bonne action,
n'est-ce pas impie ? 4. Tirer vanité d'une mutilation charnelle
comme d'un signe d'élection, comme si cela les faisait tout
particulièrement aimer de Dieu, n'est-ce pas ridicule ? 5. Quant
à surveiller le cours des astres et de la lune pour régler
l'observance des mois et des jours, quant à distribuer selon
leurs propres désirs les plans divins et les vicissitudes des temps
en
jours de fêtes et jours de pénitence, est-ce faire preuve
de piété ? N'est-ce pas bien plutôt de la sottise ?
6. C'est donc bien avec raison que les Chrétiens s'abstiennent
de la légèreté et de l'erreur générales
" comme du ritualisme
indiscret et de l'orgueil des juifs. je suppose t'en avoir assez appris
là-dessus. Mais ce qu'est leur religion à eux, c'est un mystère
:
n'espère pas pouvoir jamais l'apprendre d'un homme.
V. Car les Chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni
par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. 2. Ils n'habitent
pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque
dialecte extraordinaire, leur genre de vie n'a rien de singulier.
3. Ce n'est pas à l'imagination ou aux rêveries d'esprits
agités que leur doctrine doit sa découverte ; ils ne se font
pas, comme tant
d'autres, les champions d'une doctrine humaine. 4. Ils se répartissent
dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à
chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements,
la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois
extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle.
5. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme
des étrangers domiciliés. Ils s'acquittent de tous leurs
devoirs de citoyens et supportent toutes les charges comme des étrangers.
Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie
une terre étrangère. 6. Ils se marient comme tout le monde,
ils ont des
enfants, mais ils n'abandonnent pas leurs nouveau-nés. 7. Ils
partagent tous la même table, mais non la même couche. 8. Ils
sont
dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. 9. Ils passent leur
vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. 10. Ils obéissent
aux
lois établies et leur manière de vivre l'emporte en perfection
sur les lois.
11. Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent. 12.
On les méconnaît, on les condamne ; on les tue et par là
ils gagnent la
vie. 13. Ils sont pauvres et enrichissent un grand nombre. Ils manquent
de tout et ils surabondent en toutes choses. 14. On les
méprise et dans ce mépris ils trouvent leur gloire. On
les calomnie et ils sont justifiés. 15. On les insulte et ils bénissent.
On les
outrage et ils honorent. 16. Ne faisant que le bien, ils sont châtiés
comme des scélérats. Châtiés, ils sont dans
la joie comme s'ils
naissaient à la vie. 17. Les juifs leur font la guerre comme
à des étrangers ; ils sont persécutés par les
Grecs et ceux qui les
détestent ne sauraient dire la cause de leur haine.
VI. En un mot, ce que l'âme est dans le corps, les Chrétiens
le sont dans le monde. 2. L'âme est répandue dans tous les
membres
du corps comme les Chrétiens dans les cités du monde.
3. L'âme habite dans le corps et pourtant elle n'est pas du corps,
comme
les Chrétiens habitent dans le monde mais ne sont pas du monde.
4. Invisible, l'âme est retenue prisonnière dans un corps
visible :
ainsi les Chrétiens, on voit bien qu'ils sont dans le monde,
mais le culte qu'ils rendent à Dieu demeure invisible. 5. La chair
déteste
l'âme et lui fait la guerre, sans en avoir reçu de tort,
parce qu'elle l'empêche de jouir des plaisirs : de même le
monde déteste les
Chrétiens qui ne lui font aucun tort, parce qu'ils s'opposent
à ses plaisirs. 6. L'âme aime cette chair qui la déteste,
et ses membres,
comme les Chrétiens aiment ceux qui les détestent. 7.
L'âme est enfermée dans le corps : c'est elle pourtant qui
maintient le corps
; les Chrétiens sont comme détenus dans la prison du
monde : ce sont eux pourtant qui maintiennent le monde. 8. Immortelle,
l'âme habite une tente mortelle : ainsi les Chrétiens
campent dans le corruptible, en attendant l'incorruptibilité céleste.
9. L'âme
devient meilleure en se mortifiant par la faim et la soif : persécutés,
les Chrétiens de jour en jour se multiplient toujours plus. 10.
Si
noble est le poste que Dieu leur a assigné, qu'il ne leur est
pas permis de déserter.
VII. Comme je l'ai dit plus haut, leur tradition n'a pas une origine
terrestre, ce qu'ils professent conserver avec tant de soin n'est
pas l'invention d'un mortel, ni ce qui est confié à leur
foi une dispensation de mystères humains. 2. Mais c'est en vérité
le
Tout-Puissant lui même, le Créateur de toutes choses,
l'invisible, Dieu lui-même qui l'envoyant du haut des cieux, a établi
chez les
hommes la Vérité, le Verbe saint et incompréhensible
et l'a affermi dans leurs coeurs. Non, comme certains pourraient l'imaginer,
qu'il ait envoyé aux hommes quelque subordonné, ange
ou archonte, un des esprits chargés des affaires terrestres, ou
de ceux à
qui est confié le gouvernement du ciel, mais bien l'Artisan
et l'organisateur de l'univers : c'est par lui que Dieu a créé
les cieux, par
lui qu'Il a enfermé la mer dans ses limites : c'est lui dont
tous les éléments cosmiques observent fidèlement les
lois mystérieuses ; lui
de qui le soleil a reçu la règle qu'il doit observer
dans ses courses journalières ; lui à qui obéit la
lune, brillant pendant la nuit ; lui à
qui obéissent les astres qui accompagnent la lune dans son cours
; c'est de lui que toutes choses ont reçu disposition, limites et
hiérarchie : les cieux et tout ce qui est dans les cieux ; la
terre et tout ce qui est sur la terre, la mer et tout ce qui est dans la
mer, le
feu, l'air, l'abîme, le monde d'en haut, celui d'en bas, les
régions intermédiaires : c'est lui que Dieu a envoyé
aux hommes.
3. Non certes, comme une intelligence humaine pourrait le penser, pour
la tyrannie, la terreur et l'épouvante ; 4. nullement, mais en
toute clémence et douceur, comme un roi envoie le roi son fils,
Il l'a envoyé comme le dieu qu'il était, il l'a envoyé
comme il
convenait qu'il le fût pour les hommes - pour les sauver, par
la persuasion, non par la violence : il n'y a pas de violence en Dieu.
5.
Il l'a envoyé pour nous appeler à lui, non pour nous
accuser : il l'a envoyé parce qu'il nous aimait, non pour nous juger.
6. Un jour
viendra où il l'enverra pour juger, et qui alors soutiendra
son avènement ? ..........................................
7. Ne vois-tu pas qu'on jette les Chrétiens aux bêtes
pour leur faire renier le Seigneur et qu'ils ne se laissent pas vaincre
? 8. Ne
vois-tu pas que plus on fait de martyrs, plus les Chrétiens
se multiplient par ailleurs ? 9. De tels exploits ne peuvent passer pour
l'oeuvre de l'homme : ils sont les effets de la puissance de Dieu,
ils sont la preuve manifeste de son avènement.
VIII. Car y eut-il jamais, parmi les hommes, quelqu'un qui ait su ce
qu'est Dieu, avant qu'il ne fût venu lui-même ? 2. A moins
d'accepter les vanités et les sottises de ces beaux parleurs
de philosophes ! Les uns ont enseigné que Dieu c'était le
feu, - ils
appellent dieu ce feu auquel ils sont destinés - Pour d'autres,
c'est l'eau ou quelqu'autre des éléments créés
par Dieu. 3.
Cependant, si l'une de ces doctrines était recevable, chacune
des autres créatures pourrait au même titre être proclamée
Dieu. 4.
Mais tout cela n'est que fable et mensonge de ces charlatans. 5. Nul
d'entre les hommes ne l'a vu ni connu : c'est lui-même qui
s'est manifesté. 6. Et il s'est manifesté dans la foi
qui seule a reçu le privilège de voir Dieu.
7. Car le Maître et Créateur de l'Univers, Dieu, qui a
fait toutes choses et les a disposées avec ordre, s'est montré
pour les
hommes non seulement plein d'amour mais aussi de patience. 8. Lui a
toujours été tel qu'il est et sera : secourable, bon, doux,
véridique ; lui seul est bon. 9. Mais, ayant conçu un
dessein d'une grandeur ineffable, il ne l'a communiqué qu'à
son Enfant. 10.
Tant qu'il maintenait dans le mystère et réservait son
sage projet, il paraissait nous négliger et ne pas se soucier de
nous. 11. Mais
quand il eut dévoilé par son Enfant bien-aimé
et manifesté ce qu'il avait préparé dès l'origine,
il nous offrit tout à la fois : et de
participer à ses bienfaits, et de voir, et de comprendre ; qui
de nous s'y serait jamais attendu ?
IX. Dieu avait donc déjà tout disposé en lui-même
avec son Enfant, mais jusqu'à ces derniers temps, il a souffert
que nous nous
laissions emporter à notre gré par des mouvements désordonnés,
séduits par les voluptés et les passions, nullement parce
qu'il
éprouvait un malin plaisir à nous voir pécher
; seulement il tolérait, non qu'il l'approuvât, ce règne
de l'iniquité. Bien au contraire, il
préparait le règne actuel de la justice, afin que, ayant
bien prouvé, dans cette première phase, que nos propres oeuvres
nous
rendaient indignes de la vie, nous en devenions maintenant dignes par
l'effet de la bonté divine, et que, nous étant montrés
incapables d'accéder par nous-mêmes au royaume de Dieu,
la puissance de Dieu nous en rende maintenant capables.
2. Lorsque notre perversité fut à son comble et qu'il
fut devenu pleinement manifeste que la récompense qu'on en pouvait
attendre
était le supplice et la mort, alors arriva le temps que Dieu
avait marqué pour y manifester désormais sa bonté
et sa puissance :
quelle surabondance de la bonté pour les hommes et de l'amour
divins !
Il ne nous a pas haïs, il ne nous a pas repoussés, ni tenu
rancune, mais au contraire il a longtemps patienté, il nous a supportés.
Nous prenant en pitié, il a assumé lui-même nos
propres péchés ; il a livré lui-même son propre
Fils en rançon pour nous, livrant
le saint pour les criminels, l'innocent pour les méchants, le
juste pour les injustes, l'incorruptible pour les corrompus, l'immortel
pour les mortels.
3. Quoi d'autre aurait pu couvrir nos péchés, sinon sa
justice ? 4. En qui pouvions-nous être justifiés, criminels
et impies que nous
étions, sinon par le seul Fils de Dieu ?
5. Ô doux échange, opération impénétrable,
ô bienfaits inattendus : le crime du grand nombre est enseveli dans
la justice d'un seul
et la justice d'un seul justifie un grand nombre de criminels.
6. Il a d'abord, au cours du temps passé, convaincu notre nature
de son impuissance à obtenir la vie ; maintenant il nous a montré
le Sauveur qui a la puissance de sauver même ce qui ne pouvait
l'être : par ce double moyen, il a voulu que nous eussions foi en
sa
bonté et que nous vissions en Lui nourricier, père, ,naître,
conseiller, médecin, intelligence, lumière, honneur, gloire,
force, vie -
sans plus nous inquiéter du vêtement et de la nourriture.
X. Si toi aussi tu désires ardemment cette foi et si tu l'embrasses,
tu commenceras à connaître le Père.
2. Car Dieu a aimé les hommes : pour eux il a créé
le monde ; il leur a soumis tout ce qui est sur la terre ; il leur a donné
la raison
et l'intelligence ; à eux seuls il a permis d'élever
les regards vers le ciel ; il les a formés à son image ;
il leur a envoyé son Fils unique
; il leur a promis le royaume des cieux qu'il donnera à ceux
qui l'auront aimé.
3. Et quand tu l'auras connu, quelle joie, songes-y, remplira ton coeur
! Combien tu aimeras celui qui t'a ainsi aimé le premier 4.
En l'aimant, tu seras un imitateur de sa bonté, et ne t'étonne
pas qu'un homme puisse devenir un imitateur de Dieu : il le peut, Dieu
le voulant 5. Tyranniser son prochain, vouloir l'emporter sur les plus
faibles, être riche, user de violence à l'égard des
inférieurs, là
n'est pas le bonheur et ce n'est pas ainsi qu'on peut imiter Dieu ;
bien au contraire, ces actes sont étrangers à la majesté
divine.
6. Mais celui qui prend sur soi le fardeau de son prochain et qui,
dans le domaine où il a quelque supériorité, veut
en faire
bénéficier un autre moins fortuné, celui qui donne
libéralement à ceux qui en ont besoin les biens qu'il détient
pour les avoir reçus
de Dieu, devenant ainsi un dieu pour ceux qui les reçoivent,
celui-là est un imitateur de Dieu. 7. Alors, quoique séjournant
sur la
terre, tu contempleras Dieu régnant dans la cité céleste,
tu commenceras à parler des mystères de Dieu alors tu aimeras
et
admireras ceux qui sont torturés parce qu'ils ne veulent pas
renier Dieu ; alors tu condamneras l'imposture et l'égarement du
monde quand tu connaîtras ce qu'est vraiment vivre, quand tu
mépriseras ce qu'ici-bas on appelle la mort, quand tu redouteras
la
véritable mort, réservée à ceux qui seront
condamnés au feu éternel, châtiment définitif
de ceux qui lui auront été livrés. 8. Alors tu
admireras ceux qui endurent le feu d'ici pour la justice et tu les
proclameras bienheureux, quand tu auras appris à connaître
cet
autre feu . . . . .
XI. Je ne dis rien d'étrange, je ne recherche pas le paradoxe,
mais docile aux leçons des Apôtres, je me fais le docteur
des
Nations. je transmets exactement la tradition à ceux qui se
font les disciples de la Vérité. 2. Qui, en effet, dûment
instruit et
engendré par la bienveillance du Verbe, ne s'empresse pas d'apprendre
pleinement tout ce que le Verbe a clairement enseigné à
ses disciples. Le Verbe, se manifestant, le leur a manifesté,
s'exprimant ouvertement, incompris des incrédules, s'expliquant
à ses
disciples qui reconnus par lui comme ses fidèles reçurent
la connaissance des mystères du Père. 3. C'est pour cela
que le Verbe a
été envoyé : pour qu'il se manifestât au
monde, Lui qui, méprisé par son peuple, a été
prêché par les apôtres et cru par les
nations. 4. Lui qui était dès le commencement, il est
apparu comme nouveau et fut trouvé ancien et il renaît toujours
jeune dans le
coeur des saints. 5. Éternel, il est aujourd'hui reconnu Fils.
Par lui l'Église s'enrichit, la grâce, s'épanouissant,
se multiplie dans les
saints, conférant l'intelligence, dévoilant les mystères,
révélant la répartition des temps ; elle se réjouit
à cause des fidèles, elle
s'offre à ceux qui la recherchent en respectant les règles
de la foi et en ne transgressant pas les bornes des Pères.
6. Et voici que la crainte de la Loi est chantée, la grâce
des Prophètes reconnue, la foi dans les Évangiles affermie,
la tradition des
Apôtres conservée et que la grâce de l'Église
bondit d'allégresse. 7. Cette grâce, ne la contraste pas,
et tu connaîtras les secrets
que le Verbe révèle par qui il veut, quand il lui plaît.
8. Tout ce que la volonté du Verbe nous ordonne, nous inspire de
vous
exposer avec zèle, nous le partageons avec vous, par amour pour
la révélation que nous avons reçue.
XII. Approchez-vous, prêtez une oreille docile, et vous saurez
tout ce que Dieu octroie à ceux qui l'aiment ' véritablement.
Ils
deviennent un jardin de délices. Un arbre chargé de fruits,
à la sève vigoureuse, grandit en eux et ils sont ornés
des plus riches
fruits. 2. Car c'est là le terrain où ont été
plantés l'arbre de la science et l'arbre de la vie, mais ce n'est
pas l'arbre de la science qui
tue, non : c'est la désobéissance qui tue.
3. Car ce n'est pas sans raison qu'il a été écrit
que Dieu, au commencement, planta au milieu du jardin l'arbre de la science
et
l'arbre de la vie, nous montrant dans la science l'accès à
la vie. Les premiers hommes, qui ne surent pas bien en user, furent mis
à
nu par l'imposture du serpent. 4. Car il n'y a pas de vie sans la science,
ni de science sûre sans la véritable vie : c'est pourquoi
les
deux arbres ont été plantés l'un près de
l'autre.
5. Ce sens, l'Apôtre l'avait bien vu quand, blâmant la
science qui s'exerce sans obéir aux préceptes de vie que
donne la Vérité, il
dit : " La science enfle, mais l'amour édifie. "
6. Car celui qui croit savoir quelque chose sans la véritable
science, celle à qui la vie rend témoignage, celui-là
ne sait rien : le
Serpent le trompe parce qu'il n'a pas aimé la vie. Mais celui
chez qui la science est accompagnée de crainte et qui recherche
ardemment la vie, celui-là plante dans l'espérance et
peut se promettre des fruits.
7. Que la science s'identifie à ton coeur ; que le Verbe de
vérité, reçu en toi, devienne ta vie. 8. Si cet arbre
grandit en toi et si tu
désires son fruit, tu ne cesseras de récolter ce qu'on
souhaite recevoir de Dieu, ce que le serpent ne saurait atteindre ni l'imposture
infecter. Ève n'est plus séduite, mais demeurant vierge,
proclame sa foi. 9. Le salut se montre, les Apôtres comprennent,
la Pâque
du Seigneur approche, les temps s'accomplissent, l'ordre cosmique s'établit,
le Verbe se plaît à enseigner les saints ; par Lui le
Père est glorifié, à lui la gloire dans les siècles
des siècles. Amen.