Peut-on appeler quelqu'un père si Jésus a défendu de le faire ?
Voyons d'abord la référence biblique dans laquelle Jésus a prononcé cette parole.
Matthieu 23:9 Et n’appelez personne sur la terre votre père ; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux.
10 Ne vous faites pas appeler directeurs ; car un seul est votre Directeur, le Christ.
Dans le même chapitre Jésus lui-même parle des pères :
Matthieu 23:32 Comblez donc la mesure de vos pères.
On pourrait citer aussi Jean 8 et Luc 16 :
Jean 8:38 Je dis ce que j’ai vu chez mon Père ; et vous, vous faites ce que vous avez entendu de la part de votre père.
39 Ils lui répondirent : Notre père, c’est Abraham. Jésus leur dit : Si vous étiez enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham.
40 Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu. Cela, Abraham ne l’a point fait.
Luc 16:27 Le riche dit : Je te prie donc, père Abraham, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père
Alors je ne pense pas que c'est parce que Jésus avait Matthieu 23:9 en tête que le mot "pères" est absent du "centuple" promis.
Marc 10:29 Jésus répondit : Je vous le dis en vérité, il n’est personne qui, ayant quitté, à cause de moi et à cause de la bonne nouvelle, sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou sa mère, ou son père, ou ses enfants, ou ses terres,
30 ne reçoive au centuple, présentement dans ce siècle–ci, des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants, et des terres, avec des persécutions, et, dans le siècle à venir, la vie éternelle.
Si je prends ce passage de Matthieu 23:9, de manière littérale, je ne pourrais même pas appelé mon paternel terrestre "père" et que dire du terme "directeur", au Québec, c'est un terme très usuel pour désigner celui qui est en charge d'une école, par exemple.
Paul n'a certainement pas pris Matthieu 23:9 au sens littéral absolu, parce qu'il mentionne aux Corinthiens qu'il est leur père,
1Corinthiens 4:15 Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus–Christ par l’Evangile. 16 Je vous en conjure donc, soyez mes imitateurs.
Jean aussi parle des pères spirituels en même temps que du Père céleste :
1Jean 2:13 Je vous écris, pères, parce que vous avez connu celui qui est dès le commencement. Je vous écris, jeunes gens, parce que vous avez vaincu le malin. Je vous ai écrit, petits enfants, parce que vous avez connu le Père.
Mais alors dans Matthieu 23:8-10, que voulait-il faire passer comme message notre Seigneur Jésus ? Les autres passages cités ci-dessus montre que Jésus et les apôtres n'éprouvaient aucune réticence à employer «père» dans leur discours en parlant de ceux qui méritent de se faire appeler «pères» soit par la génétique ou par respect pour leur apport dans la vie des gens.
On manque de détails mais connaissant l'orgueil des pharisiens que Jésus souligne dans la parabole du pharisien et du publicain, on peut penser que ceux-ci, (je m'inspire dans le reste de cette phrase du commentaire de la Bible Dakes) que ces religieux exigeaient de leurs disciples de se faire donner des titres pompeux et honorifiques comme «père» et «directeur» à cause de leur position sociale. Mais ce sont des titres qu'ils ne méritaient pas du tout puisqu'ils étaient des aveugles conduisant d'autres aveugles dans la fosse (Matthieu 15:12-14). De plus cela contribuait à les flatter et à regarder les autres du haut de leur piédestal qu'on les place en les appelant ainsi.
Jean 7:49 Mais cette foule qui ne connaît pas la loi, ce sont des maudits!
Les pharisiens cherchaient les premières places dans les festins (Luc 14) et les rabbis - comme les apôtres - se disputaient pour savoir qui était le plus grand parmi eux. Ils étaient tellement imbus d'eux-mêmes, que c'était au point où une histoire rapportait que Dieu lui-même, étant dépassé, avait demandé à un rabbin de trancher sur une question épineuse ! Voilà donc le contexte qui jette de la lumière sur les raisons pour lesquelles Jésus avait interdit d'appeler les dirigeants "pères, maîtres ou directeurs". Dieu résiste aux orgueilleux et Jésus souligne une situation qui contribuait à gonfler leur orgueil et leur résistance à la grâce de Dieu réservée aux humbles et qui a le pouvoir de salut. Cela serait une explication plausible au fait que Jésus ordonne à ses disciples de n'appeler personne ainsi.
Luc 14:7 Il adressa ensuite une parabole aux conviés, en voyant qu’ils choisissaient les premières places; et il leur dit:
Lu 20:46 Gardez-vous des scribes, qui aiment à se promener en robes longues, et à être salués dans les places publiques; qui recherchent les premiers sièges dans les synagogues, et les premières places dans les festins;
Si vous êtes directeur d'école, directeur de prison ou directeur commercial dans une entreprise, il n'y a pas de problème spirituel à se faire appeler directeur, pas plus qu'il n'y a de problème à appeler votre géniteur "père" ou, comme c'est la coutume africaine d'appeler les aînés et les pasteurs "papa" ou "daddy", cela ne choquera pas Jésus et n'attristera certainement pas le Saint-Esprit et vous serez des imitateurs de Paul (1Corinthiens 4:15-16), comme il est lui-même un imitateur de Christ et de Dieu (Ephésiens 5:1, Philippiens 3:17, 1Corinthiens 11:1). Cette marque de respect bien africaine a une base biblique, David appelle le roi Saul «mon père» en signe de respect.
1Samuel 24:12 Regarde, mon père, regarde donc le pan de ton manteau dans ma main.
Dans l'histoire de l'Église, on a continué à nommer par respect les figures de proue du christianisme, par exemple quand on parle des Pères de l'Église, ceux qui ont succédé aux apôtres en dirigeant les communautés chrétiennes des premiers siècles et qui nous ont aussi laissé des écrits importants pour comprendre l'évolution de la pensée chrétienne au fil du temps. On pourrait aussi mentionner que le mot pape vient du latin ecclésiastique papa, du grec pappas. Ce mot n'était, à l'origine, qu'une appellation d'affection respectueuse, celle que l'enfant donne à son père (« papa »).
Soyons dans la foi que le Saint-Esprit nous indiquera qui mérite de se faire appeler respectueusement «père» sans qu'il y ait de lien biologique et sans que cela devienne une occasion de chute pour personne mais plutôt une marque d'honneur à la gloire de Dieu notre Père à tous, comme c'est le cas pour les termes pasteurs et bergers qui sont appliqués à Dieu comme aux hommes.
Compteur installé le 6 juin 2018