Le baptême comme sceau du Saint-Esprit
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Le "Nouveau Dictionnaire Biblique Emmaus" rappelle un fait intéressant, les premiers chrétiens désignaient souvent le baptême par le terme «sceau» parce qu'il était perçu comme le moment où le Saint-Esprit venait habiter dans le chrétien: |
«La présence du Saint-Esprit en nous est la preuve que nous avons passé de la suzeraineté de Satan à celle de Dieu, que nous sommes devenus sa propriété (comme l'acheteur apposait son sceau sur les amphores de vin qu'il
achetait dans le port d'Ephèse):
"Vous avez été scellés du Saint-Esprit qui
avait été promis". Ep.1:13; 4:30
Le Saint-Esprit en nous est un gage et une garantie de notre rédemption finale. Dans ce sens, le sceau du Saint-Esprit est équivalent à son onction (chrisma). Au second siècle, le mot sphragis (sceau) était souvent utilisé pour désigner le baptême lors duquel on pensait à l'époque que le Saint-Esprit était donné.»
Dans ses écrits au second siècle, Irénée de Lyon, qui avait connu Polycarpe le disciple de l'apôtre Jean, parle justement du baptême comme du sceau de la vie éternelle.
Voici un extrait du livre de Gerard Henry-Baudry «Le baptême et ses symboles»
Le sceau du Seigneur
«La métaphore du sceau désigne souvent le baptême dans le christianisme ancien. Ce symbole ne parle plus à nos contemporains, à tel point que les responsables du rituel francophone de la confirmation ont préféré traduire «sceau» par une circonlocution «Sois marqué de l'Esprit saint, le don de Dieu» au lieu de traduire littéralement : «Reçois le sceau du don du Saint-Esprit». Au contraire, les anciens usaient fréquemment de cette métaphore, pour la simple raison que le sceau était un objet usuel, comme peut le constater tout visiteur d'un musée des antiquités. Ce petit objet de pierre fine ( ou en métal, en ivoire, etc.) portait le nom de son propriétaire, parfois accompagné d'un emblème. L'empreinte du sceau servait de signature au bas des documents écrits. Tout citoyen fortuné avait un sceau. Le mot désigne à la fois l'objet et son empreinte ( en grec sphragis, en latin signum, sigilum, signaculum). Le sceau est d'abord le cachet employé pour rendre un acte authentique (1R.21:8, Jé.32:10). Le sceau désigne aussi la marque qu'on imprime sur un animal pour indiquer son propriétaire. Poser son sceau sur un objet, c'est indiquer qu'on en prend possession. Le mot, en latin signaculum, désigne aussi la marque (sorte de tatouage sur la main ou le bras) que portait chaque soldat pour attester qu'il avait prêté serment (sacramentum) à son général.
Ce qui nous intéresse ici, c'est le sens métaphorique du mot tel qu'on l'utilise à propos du baptême chez les Pères de l'Église. Mais l'Écriture l'utilisait déjà, ce qu'il nous faut d'abord expliquer.
Le sceau de l'Ancien au Nouveau Testament
L'auteur de job utilise la métaphore pour affirmer que les étoiles sont des créatures et non pas des êtres divins :
Sur les étoiles il (Dieu) met son sceau. Job 9:7
Les étoiles portent son nom, autrement dit, elles sont sa propriété, comme tout ce qui est créé. La métaphore chrétienne du sceau s'appuie d'abord, semble-t-il, sur le fait que le sceau antique portait le nom du propriétaire, de sorte que son usage remplaçait ce que nous appelons «la signature», mot provenant précisément du latin signum. Porter «le sceau du Seigneur» équivaut à porter son nom, c'est-à-dire lui appartenir. C'est à partir de cette interprétation que le fameux texte d'Ézéchiel (Ez. 7 à 9) sur le châtiment final va jouer un rôle important, à la fois prophétique et préfigurant le mystère chrétien.
Clément d'Alexandrie parle du sceau baptismal par lequel on croit au vrai Dieu - Stromates V 73,2
Il dit aussi «Le Seigneur marque l'initié de son sceau en l'illuminant» - Protreptique XII, 120,1
L'image apparaît parfois dans un contexte qui rappelle la formule trinitaire du baptême, comme chez Tertullien évoquant la foi scellée (obsignata) dans le Père, le Fils et l'Esprit saint». Il faut se rappeler la pratique ancienne : la triple profession de foi sous forme de question et réponse s'insérant dans la triple immersion pouvait être considérée comme un renforcement et un scellement du pacte baptismal.
Mais la métaphore du sceau signifie en premier lieu que la baptisé a reçu le signe des sauvés, c'est-à-dire porte le nom de Dieu qui sauve (cf. Ezéchiel et l'Apocalypse). Hermas le dit clairement : «Ils portaient le Nom» - Le Pasteur, Sim. 9,14,5.
Il est probable que, au début, l'idée du «sceau» ne fut qu'une métaphore. On serait passé ensuite à un signe concret sur le front en forme de croix en marquant un tav (+) ou un tau (T). Pour les judéo-chrétiens, la forme + du tav en vint rapidement à désigner le «Nom» du Père, c'est-à-dire le Fils, la Parole de Dieu incarnée, le Christ, comme en témoignent l'archéologie palestinienne, et la littérature judéo-chrétienne. Dans les milieux chrétiens de langue grecque, la forme X du tav fut interprétée comme la première lettre de Xristos (Christ). Pour eux également, le Tau (majuscule) avec sa forme de croix potencée (T) évoquait la croix du Christ et, par voie de conséquence, le Christ lui-même. Tertullien en fait la remarque:
«La lettre grecque tau, qui est chez nous le T, a la forme d'une croix ; Ézéchiel prévoyait qu'elle marquerait nos fronts dans la Jérusalem véritable et catholique, où les frères du Christ, les fils de Dieu, rendraient gloire à Dieu» - Contre Marcion 3,22,6.
Plus tard, Ambroise de Milan dira au baptisé : «Quand tu es baigné, tu reçois le sacrement de sa croix» - Les sacrements, II, 23.
Le témoignage des inscriptions paléochrétiennes rejoint la pratique liturgique.»
Dans l'église orthodoxe, après le baptême, on applique le sceau du don du Saint-Esprit
Commentaire
Il est facile de suivre les raisonnements qui ont emmené les Pères de l'Église à associer le baptême au sceau du Saint-Esprit même si aucun passage biblique ne le fait. C'était un développement doctrinal prévisible tellement le baptême d'eau et le baptême de l'Esprit étaient inter-reliés dans l'église primitive. On baptisait alors dès la conversion.
Pourtant les dangers d'une telle association sont aussi bien évidents. Alors qu'au départ, le baptême d'eau illustrait l'action du Saint-Esprit dans le coeur du converti, il en est venu à faire venir l'action du Saint-Esprit dans le coeur d'un bébé (comme sur la photo en haut de la page) ; de sorte que quelqu'un inapte à se rendre compte de ce qui se passe soit considéré né de nouveau dans l'Esprit et membre du peuple de Dieu.
Dans cet esprit, le baptême a réellement remplacé la circoncision juive, selon l'analogie de Paul dans Col.2:11-12 mais en poussant trop loin l'analogie, ne tenant plus compte de la foi du baptisé mais faisant appel à la foi des tuteurs de l'enfant comme c'était le cas dans l'Ancien Testament avec le peuple juif.
Col.2:10 Vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute domination et de toute autorité.
11 Et c'est en lui que vous avez été circoncis d'une circoncision que la main n'a pas faite, mais de la circoncision de Christ, qui consiste dans le dépouillement du corps de la chair:
12 ayant été ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes aussi ressuscités en lui et avec lui, par la foi en la puissance de Dieu, qui l'a ressuscité des morts.
13 Vous qui étiez morts par vos offenses et par l'incirconcision de votre chair, il vous a rendus à la vie avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos offenses
La circoncision de la chair était un archétype annonçant la circoncision du coeur dépouillé de la chair par l'action du Saint-Esprit à la conversion. C'est par le baptême dans le Saint-Esprit, non par le baptême d'eau que cela se produisait. Le baptême d'eau ne faisait qu'illustrer ce que le Saint-Esprit avait déjà fait dans le coeur du converti. Le baptême d'eau n'était pas investi divinement d'une grâce spéciale produisant l'effet spirituel.
Je pense que si les Pères de l'Église avaient vu jusqu'où ce développement doctrinal allait mener la pratique du baptême, au point de baptiser les bébés et faire croire à leurs parents qu'ils ont été scellés du Saint-Esprit, ils se seraient gardés d'associer le baptême d'eau au sceau du Saint-Esprit pour éviter une telle aberration. Ils seraient restés dans les limites bibliques de la définition du baptême.
Voilà un bel exemple pourquoi il est périlleux d'aller plus loin que les Écritures le permettent même quand c'est motivé par un désir sincère d'approfondir la Parole de Dieu.
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