Lorsqu'un Hindou d'une caste élevée
devient chrétien, il est réellement quelqu'un, parce qu'il
a dû faire
de grands sacrifices. Il a alors le désir de travailler pour
amener ses frères au salut, mais comment y arriver,
puisqu'il ne possède plus rien, ayant été chassé
de sa famille ? Il est aussi pauvre que les Hindous des plus
basses castes.
Il y a, aux Indes, cinq millions de chrétiens,
mais tous ne sont pas vraiment chrétiens et, même s'ils
l'étaient, qu'est-ce que cela au milieu de 315 millions d'habitants
?
C'est pourquoi nous avons encore besoin que de vrais
chrétiens viennent nous aider. je suis reconnaissant
aux serviteurs de Dieu qui sont venus à notre secours et je
les remercie au nom de mes coreligionnaires de
l’Inde.
J'ajouterai une chose que je dis toujours. Nous n'avons
besoin que de ceux qui peuvent nous montrer
Jésus-Christ. De bons enseignements, nous en avons assez ; ce
que notre peuple demande, c'est qu'on lui
montre le Christ vivant. Mon expérience, c'est que l'hindouisme
et le bouddhisme ont creusé les canaux,
mais qu'ils n'ont point d'eau à y faire couler. Il nous faut
des missionnaires qui puissent nous donner
Jésus-Christ et son eau vive, mais pas de ces gens qui n'ont
que des discours et des dogmes. Ceux qui nient
la divinité de Christ apportent du poison au lieu de nourriture
spirituelle. Ne nous les envoyez pas;
gardez-les chez vous ! Nous sommes fatigués de religion, nous
sommes fatigués d'enseignements, nous
sommes fatigués de philosophie hindoue, de philosophie bouddhiste.
Il nous faut le Christ vivant. Nous
serons toujours reconnaissants si vous nous envoyez des chrétiens
dont la vie montre que Christ habite en
eux.
Quelle sera la nature de notre joie dans le Ciel ?
Notre joie sera beaucoup plus douce que celle des
anges. Cela ne veut pas dire que les anges n'ont pas la
vraie joie, mais, qu'ils possèdent la joie sans avoir passé
par la souffrance.
Notre joie, après nos luttes et nos souffrances
d'ici-bas, aura une douceur tout autre. Nous ne jouissons
vraiment de la douceur d'un fruit qu'après avoir goûté
quelque chose d'amer ; de même, nous ne pouvons
apprécier vraiment notre joie céleste qu'après
avoir souffert. Le conflit, la lutte qui se poursuit dans notre
âme n'aboutit pas seulement à nous donner la joie, mais
aussi à nous rendre plus forts spirituellement. La
lutte intérieure est nécessaire, essentielle à
notre vie spirituelle et à nos progrès.
Ma propre expérience, c'est que tant que j'essayai
de surmonter ce conflit par mon effort personnel, je
n'y réussis pas, mais par la prière cela devint facile.
L'homme spirituel aura plus à lutter que l'homme
ordinaire. Nous devons accepter ces choses-là, mais nous les
surmonterons.
L'hindouisme avait-il préparé le Sâdhou à
recevoir le christianisme ?
J'ai déjà dit que l'hindouisme, comme
le bouddhisme, ont creusé les canaux, mais qu'ils n'ont point d'eau
vive à y faire couler. Dans ce sens, j'étais préparé
à recevoir l'eau vivante par Jésus-Christ. Je fus très
étonné en découvrant que je pouvais la recevoir
d'une manière aussi simple, par la prière, car j'avais passé
tant d'heures dans la méditation et la concentration sans avoir
rien trouvé, Mais c'est que, alors, je ne
connaissais pas Jésus-Christ.
Que pensez-vous des différentes églises chrétiennes
et d'une union possible entre catholiques et
protestants ?
Je ne crois guère à l'ecclésiasticisme,
mais bien au christianisme. On me demande très souvent « A
quelle
église appartenez-vous ? », et je réponds toujours
. « A aucune. J'appartiens à Christ. Il me suffit ».
Dans le
sens spirituel, j'appartiens à toute église dans laquelle
se trouvent de vrais chrétiens. Je ne crois pas que
l'union des catholiques et des protestants apporterait une grande amélioration.
En combinant deux couleurs,
vous produisez une troisième couleur; ainsi, par l'union des
catholiques et des protestants, vous devez vous
attendre à voir surgir une masse d'autres sectes et dénominations.
Je ne crois pas aux unions conclues par des moyens
artificiels. L'union extérieure n'est d'aucune utilité.
Ceux-là seuls qui sont unis en Christ, sont un en Lui et seront
un dans le Ciel. je me dis souvent, lorsque je
vois des chrétiens qui ne peuvent pas vivre ensemble en bonne
harmonie, durant les courtes années de leur
vie terrestre : Comment donc passeront-ils toute l'Éternité
ensemble dans le Ciel ?
Les vrais chrétiens doivent être unis
en Esprit, quelles que puissent être les différences dans
leur manière
d'adorer Dieu. Je ne crois pas à l'union extérieure,
artificielle, mais seulement à l’union intérieure des coeurs
et des esprits.
Comment devons-nous prier ?
Je dis toujours que l'on ne fait pas la distinction
entre prier et mendier. Dans l'Ancien Testament, les gens
mendient toujours, aussi ne reçoivent-ils guère de bénédictions
spirituelles. Nous le voyons à ce que leur
nature n'est pas transformée. Ils recevaient des biens matériels,
mais pas le Dispensateur de ces biens. Leur
prière était exaucée dans le sens où elle
était faite. C'est pourquoi les Israélites ne surent pas
apprécier
l’œuvre de Moïse et commencèrent à murmurer contre
lui et contre Dieu.
L'Ancien Testament parle de Celui qui doit venir
; le Nouveau Testament parle de Celui qui est venu.
Quand nous Le prions, c'est pour Le recevoir Lui-même et non
pas seulement les choses dont nous avons
besoin.
Il y a des gens qui se demandent si, par la prière,
nous pouvons changer le plan de Dieu. Cette question
m'a longtemps préoccupé. J'y ai trouvé une réponse
dans ma propre expérience. Nous ne pouvons pas
changer le plan de Dieu, mais, en priant, nous pouvons connaître
son plan à notre égard. Quand nous prions
dans un lieu tranquille, Dieu parle à notre âme dans le
langage du coeur. Son plan est pour notre bien et pour
le bien d'autrui ; quand nous le connaissons, nous ne nous plaignons
plus. Nous nous plaignons tant que
nous ne comprenons pas pourquoi le trouble et la souffrance sont notre
partage, mais, par la prière, nous
comprenons ; le plan de Dieu nous est révélé et
nous sommes satisfaits à la pensée que sa volonté
s'accomplit.
Premièrement donc : Nous ne pouvons pas changer
ses plans, mais, par la prière, nous arrivons à les
comprendre. Secondement : Nous ne pouvons pas changer ses plans, mais
nous pouvons les accomplir par
notre vie. C'est cela qui est la vraie signification de la prière,
et non pas mendier toujours. L'enfant ne
demande pas constamment quelque chose à sa mère, mais
bien souvent il est satisfait en restant assis sur ses
genoux; les vrais enfants de Dieu ne sont pas toujours à implorer
ses dons, mais désirent simplement se
sentir à l'abri, dans Ses bras.
Prions pour recevoir le Dispensateur de tous biens,
Celui qui donne la vie. Quand nous aurons reçu Sa
vie, toutes les autres choses nous seront données... Beaucoup
de chrétiens s'attendent à Dieu pour leur
salut, mais ils ne s'attendent pas à Lui pour leur pain de chaque
jour. Ils ne comprennent pas que « prier »,
c'est vivre avec Lui, dans sa communion permanente.
Chapelle de Martheray, le soir du mercredi 8 Mars 1922.
M. le pasteur H. Secretan : Vous étes pour nous un frère
de près, comme vous l'avez été de loin. Vous nous
avez été très utile par votre paix, votre joie
rayonnante. Quelle est la place que, à votre sens, la Bible
doit occuper dans la vie intérieure du fidèle ? Est-elle
1'unique fondement de la certitude chrétienne ?
Peut-on aller à Christ en dehors de la Bible ? Notre foi est-elle
liée indissolublement aux faits
évangéliques ?
Le Sâdhou : Le monde est une grande famille. Aucun pays n'est
parfait en lui-même. Nous apprenons tous
les uns des autres. Chaque pays doit apporter sa contribution à
I'œuvre générale et non seulement chaque
pays, mais chacun de nous individuellement. Si chacun fait ainsi son
devoir, nous arriverons à la perfection.
Nous, peuples de 1'0rient, nous avons reçu beaucoup de l'Occident,
grâce aux chrétiens fidèles qui nous ont
annoncé l'Evangile et, par dessus tout, le « fait vivant
», Christ lui-même.
Il faut connaitre la Bible, ne serait-ce qu'au point de vue de l'histoire
des faits évangéliques. J'aime la Bible;
c'est elle qui m'a introduit auprès du Sauveur, de ce Sauveur
qui n'appartient pas à l'histoire, car l'histoire
nous parle du temps, tandis que Christ nous parle de l'éternité.
En le trouvant, nous trouvons tout en lui,
avec la Vie éternelle. Au point de vue de l'histoire, il est
utile de connaître la Bible, mais si même la Bible
disparaissait, nul ne pourrait me ravir ma joie : je garderais mon
Christ ! La Bible m'a appris bien des choses
au sujet de Jésus-Christ. Le grand fait historique, c'est Christ
lui-même. La théologie et l'étude seules, sont
impuissantes à satisfaire l'âme. Je ne suis pas sûr
d'avoir bien compris la question; la langue est entre nous
une grande difficulté.
M. le missionnaire A. Grandjean : Il y a 12 ans, j'assistai à
la conférence missionnaire d'Edimbourg.
Plusieurs chrétiens venus des Indes s'y trouvaient, entre autres
un évêque hindou qui disait : « Le corps
de Christ ne sera complet sur la terre que lorsqu'il aura été
assimilé par toutes les nations. » L'Inde nous
apporte un enrichissement, mais il a fallu le concours de l'Occident,
étant donné le développement des
Missions.
Quelle est, pensez-vous, la place actuelle des missionnaires aux Indes
? Autrement dit : quelle est la part
réciproque des missionnaires de l'Occident et des missionnaires
indigènes pour gagner l'Inde à Christ ?
Le Sâdhou : Aux Indes, nous sommes très reconnaissants
aux vrais chrétiens qui sont venus nous apporter
l'Evangile et qui ont travaillé de tout leur coeur, mais j'ai
le regret de dire que, si nous avons eu des
missionnaires qui étaient de vrais hommes de Dieu et nous ont
fait beaucoup de bien, d'autres nous ont
apporté des théories et des doctrines qui étaient
du poison pour nous. Je parle de ceux qui ne croient pas à la
divinité de Christ.
Mon but, en venant chez vous, a été : de rendre témoignage
à Christ et à sa puissance; de remercier le
peuple de Dieu de ce pays de ce qu'il a fait pour ma patrie ; de vous
dire que nous avons encore besoin de
vos missionnaires, mais qu'il vaut mieux garder les infidèles
chez vous. Vous avez de l'argent et vos
missionnaires ont donné leur vie pour nous, mais les infidèles
qui sont venus ensuite ont gâté leur œuvre(1).
Mieux vaut nous envoyer un seul missionnaire fidèle, prêchant
le Christ vivant, que des centaines d'autres.
Pour ceux-là, comme pour vos prières, nous vous serons
toujous reconnaissants.
Un mot encore, pour exprimer ce que je ressens ici. Je suis en quelque
sorte perdu au milieu d'un pays
étranger, mais, lorsque je rencontre de vrais chrétiens,
je me sens partout « at home » avec eux, tandis que,
même aux Indes, lorsque je rencontre de ces gens qui ne croient
pas au Christ vivant, je me sens étranger.
En Orient comme en Occident, ceux qui vont à Christ sont satisfaits.
Il est la seule espérance de ce monde ;
il peut satisfaire tous les besoins de nos âmes. C'est son amour
qui contraignit les chrétiens de ce pays-ci à
nous envoyer des missionnaires et nous les en remercions, mais nous
n'avons pas besoin de philosophie et
de doctrines ; nous en sommes fatigués ; ce qu'il nous faut
aux Indes, c'est la vie, la vie, la vie, cette vie que
Christ seul peut donner. Envoyez-nous seulernent ceux qui peuvent nous
montrer Jésus-Christ.
M. le prof. Chavan : Nous cherchons la communion avec Jésus dans
nos études ; mon coeur est souvent ému
dans cette recherche; je voudrais vous demander ce que vous pensez
des mystiques chrétiens, comme
St-François d'Assise, Thomas a Kempis, l'auteur de l'Imitation
de Jésus-Christ, dont je sais que vous avez
lu les ouvrages.
Le Sâdhou : Mon expérience c'est que la vérité
n'est pas l'apanage spécial d'un peuple. La vérité
n'appartient
ni à l'Orient, ni à l'Occident ; elle appartient à
l'humanité et vous verrez partout que les hommes sont
satisfaits lorsqu'ils l'ont trouvée. Elle peut se manifester
par des expressions, par des mots différents ; elle
reste la même. Lorsque je lis St-François d'Assise ou
Thomas A Kempis, ils sont pour moi comme des
frères aînés, ayant eu la même foi. Il n'y
a alors aucune question d'Orient ou d'Occident ! nous appartenons
à la même famille ! J'ai beaucoup appris à leur
contact, aussi bien qu'à celui des saints de l'Orient, car ils
disent les mêmes choses, chacun à leur manière
; ils ont tous trouvé la vérité en Christ.
Les saints d'aujourd'hui me sont précieux aussi et j'apprends
beaucoup en les fréquentant. La vérité ne
souffre pas des atteintes du temps, ni de celles de personnalités
diverses ; ce qui était vrai autrefois reste vrai
de nos jours, parce que Dieu se révèle de la même
manière à ses enfants en tous temps. Nul ne peut dire : «
J'en sais assez. Je n'ai plus rien à apprendre des autres. »
Nous apprenons tous les jours, et, comme
j'apprends sans cesse de ceux que je rencontre en Orient, j'apprends
aussi de mes frères d'Occident.
Je dois peut-être ajouter un mot pour expliquer ce que j'ai voulu
dire ausujet des écoles de théologie, afin
qu'il n'y ait pas de malentendu(2). je n'ai pas parlé hâtivemnt.
J'ai vu des jeunes gens qui, au moment de
quitter l'école et d'aller travailler pour Christ, avaient perdu
leur enthousiasme. « Que s'est-il donc passé ? »
leur ai-je demandé. Et 1'un d'eux me répondit au nom
de tous : « Les insectes de la critique et de l'infidélité
ont mangé nos âmes.» C'est à cause de cela
que je dois parler; mon amour pour mon Sauveur m'y
contraint. Moi-même, j'ai désiré étudier,
mais la question des études est un problème difficile, car,
lorsque la
vraie vie est tuée, il ne reste rien. Au séminaire, j'ai
appris des choses bonnes pour la vie de ce monde, mais
les leçons de la vie spirituelle je les ai reçues aux
pieds du Maitre. Ce n'est pas que je sois opposé à tout
enseignement, mais l'enseignement sans la vie est certainement dangereux.
Ce n'est que dans un travail
harmonieux de la tête et du coeur que nous verrons de grands résultats
pour la gloire de Dieu.
M. Chavan : La souffrance a-t-elle joué un rôle dans votre
vie chrétienne ? La souffrance est-elle voulue
de Dieu ?
Le Sâdhou : J'ai dit souvent déjà que pour pouvoir
expliquer ce qui m'est arrivé, je suis obligé d'employer
les
mots : prison, souffrance, persécution, afin d'être compris,
mais, en réalité, il n'y a eu là pour moi aucune
souffrance. Si ç'avait été de la souffrance, j'aurais
abandonné la partie et n'aurais pas continué à aller
annoncer l'Evangile. Il n'y avait pas de comité pour me pousser
en avant et m'obliger à aller ici plutôt que là
! La réalité, c'est que chaque fois que j'ai eu à
souffrir pour mon Sauveur, j'ai trouvé le Ciel sur la terre,
c'est-à-dire une joie merveilleuse que je ne trouve qu'alors.
Dans ces occasions-là, j'ai toujours réalisé la
présence de Christ d'une manière si évidente qu'aucun
doute ne pouvait subsister en moi. Cette présence
était aussi lumineuse que le soleil en plein midi : Ceux qui
consentent à vivre en sa présence ne peuvent plus
le nier. La souffrance était souffrance dans le temps ou je
n'étais pas chrétien et où je ne possédais
pas la
paix de l'âme. Je lisais souvent les écrits hindous jusqu'au
milieu de la nuit, si bien que mon père disait : «
Tu perds la tête, mon garçon. Tu vas t'abîmer les
yeux ! Tu n'es qu'un enfant ; pourquoi te tracasser ainsi
de ces questions de vie spirituelle ? » je répondais «
Il me faut la paix à tout prix, Les choses de ce monde
ne peuvent pas satisfaire mon âme. Même la religion ne
me satisfait pas. Je ne peux plus vivre dans ce
monde, je veux me suicider. » C'était la vraie souffrance
: je me sentais en enfer. Mais, depuis ma
conversion, je n'ai plus connu la souffrance. J'ai été
en prison : ce nétait pas une prison pour moi, mais le
Ciel sur la terre. J'ai ressenti plus de joie au sein de la persécution
que lorsque je n'étais pas persécuté ; plus
de joie en ayant faim que lorsque j'avais la nourriture la plus fine.
La source de cette joie, de ce Ciel sur la
terre, c'est la présence de Christ; personne ne peut m'enlever
cette joie.
J'ai déjà parlé des martyrs du Thibet et, justement
aujourd'hui, j'ai reçu la nouvelle que le Dr Sheldon, avec
lequel j'ai fait des voyages d'évangélisation dans ce
pays, vient d'y être massacré. J'y retourne chaque année
et peut-être que l'année prochaine vous apprendrez que
j'y ai perdu la vie à mon tour. Alors, ne pensez pas
« Il est mort, mais dites-vous : « Il est allé
vivre au Ciel, avec Christ, d'une vie plus complète. » Vous
avez entendu parler de Kartar Singh, qui mourut aussi au Thibet. J'ai
vu son Nouveau Testament et les
passages qu'll y a écrits avant de mourir. Les gens croient
que Kartar est mort, mais en réalité il est vivant
en Christ. La mort elle-même mourra ; Christ, jamais ! Si nous
vivons avec lui déjà dès cette vie, nous
vivrons avec lui pour toujours après la mort.
M. Bugnion : Comment pouvons-nous discerner la volonté de Dieu
?
Le Sâdhou : je n'ai aucune doctrine nouvelle à vous apporter.
je suis simplement un témoin de ce que Dieu a
fait pour moi. C'est toujours ce même chemin de salut que la
plupart des hommes appellent folie. Si nous
vivons avec Dieu, il ne nous est pas difficile de connaître sa
volonté ; nous arrivons aisément à comprendre
ses intentions à notre égard. Ceux-là seuls qui
ne vivent pas en communion avec Dieu éprouvent de la
diffictilté à reconnaître sa volonté et
ce qu'il leur demande. Cela devient très facile à la condition
de se tenir
constamment près de lui.
M. le pasteur G. Bugnion : Quel conseil donneriez-vous à celui
qui, ne connaissant pas Dieu, a soif de
communion avec lui ?
Le Sâdhou : Tant que j'ai pratiqué l'hindouisme, je passais
journellement des heures à méditer, mais cela ne
m'a servi à rien. En Christ, je trouvai un moyen bien simple
: la prière. Je n'apporte rien de nouveau ; c'est
le chemin de toujours et le plus simple : prier. Par la prière
nous apprenons à connaître Dieu.
M. Bugnion: Y a-t-il un affranchissement du péché ?
Le Sâdhou : Il n'y a là aucune difficulté. Tous
ceux qui vivent avec Dieu savent qu'en restant en communion
avec lui ils sont hors de l'atteinte du péché. Le salut
n'est pas seulement dans le pardon du péché, mais dans
l'affranchissement du péché.
M. le pasteur G. Secretan : Vous avez insisté sur la joie qui
se trouve dans la souffrance pour Christ ou
dans le martyr, comme les premiers chrétiens. Ne pensez-vous
pas qu'il existe d'autres sources de joie, en
particulier dans le soin des pauvres ? N'y a-t-il pas là une
autre voie ouverte dans laquelle nous sommes
appelés à mourir sans cesse à nous mêmes
?
Le Sâdhou : Il est, en effet, plus facile de mourir une fois pour
Christ que de vivre pour lui, car en vivant
pour lui il faut mourir chaque jour à soi-nême. Je suis
tout à fait d'accord à cet égard avec le frère
qui vient
de parler. Saint Paul a dit : « On nous met à mort chaque
jour. » (Rom. 8, 36.) J'ai toujours vu que ceux
qui savent comment mourir chaque jour, savent comment vivre chaque
jour ; c'est un secret qu'eux seuls
connaissent. Il est bon qu'il y ait des martyrs pour Christ. je n'éprouve
aucune crainte à la pensée de mourir
un jour au Thibet et, si ce jour vient, je l'accueillerai avec joie
; cependant, je préfère vivre pour lui, afin de
pouvoir Lui rendre témoignage en mourant chaque jour. Christ
a besoin partout dans les églises comme
ailleurs, de ces témoins qui savent vivre pour lui parce que,
en vivant pour lui, ils meurent chaque jour.
1). Le Sâdhou vise ici, de toute évidence, certaines sociétés
libérales dites unitaires que l'on trouve plutôt en
Amérique, mais son avertissement est bon à être
entendu chez nous.
2) Le Sâdhou, dans le discours qui précéda ces
questions déclara que les vraies études de théologie
se font aux pieds
de Jésus-Christ.
Sadhou Sundar Singh,
Questions posées au Sâdhou Sundar Singh,
à Berne, le lundi 27 mars 1922.