En quoi les "signes et prodiges" menteurs à venir diffèreront-ils de ce qui
se passe déjà sous nos yeux ? Avons-nous dès maintenant une maturité suffisante
pour discerner ces différences capitales? Par quels moyens parviendrons-nous à
cette maturité si d’ores et déjà nous sommes enclins à traiter d’ennemis ceux
qui ne font que poser des questions?
Certains chrétiens dont nous connaissons la maturité et qui nous sont très
chers témoignent des bénédictions indiscutables qu’ils ont reçues. Que Dieu nous
garde de discuter ou de dénigrer ce qui est réellement de Lui. Cependant, par
fidélité à notre vocation et à notre responsabilité devant le Seigneur et devant
les siens, après avoir longuement réfléchi, prié, et parlé entre nous de ces
choses, nous vous soumettons les pensées suivantes, en vous demandant d’y
réfléchir vous-mêmes et de prier à ce sujet.
Non sans tremblement, je vais avoir l’audace de poser certaines questions à
propos d’un phénomène qui rend perplexes beaucoup de gens. S’il est vrai que
dans le passé des actions de Dieu telles que le réveil du Pays de Galles furent
marquées dès leur début par une sainteté manifeste, le réveil actuel provoque
des comptes-rendus contradictoires allant de l’enthousiasme le plus pur au rejet
le plus total, en passant par le scepticisme et la critique. Certains estiment
qu’il existe plus d’un courant, et que parallèlement à ce qui est
authentiquement divin il y a aussi des contrefaçons charnelles. En ce qui me
concerne, des enregistrements vidéo provenant du courant principal, et émanant
manifestement de la source n’ont suscité en moi que de la répugnance. Des
ministres de la Parole étaient si ostensiblement ivres dans l’Esprit qu’ils en
devenaient incohérents, puis s’effondraient hébétés. Il m’a semblé que pareille
attitude était incompatible avec la vocation dont ils faisaient profession.
C’est dénigrer la Parole prêchée, me semble-t-il, que de faire des allusions
moqueuses aux faibles résultats obtenus par cette dernière, à côté des effets
obtenus par l’expérience "de puissance" dont ils rendaient témoignage. Etait-ce
mon imagination ? J’avais l’impression, en présence de ceux qui étaient en proie
à un fou rire irrésistible, que ce qui les avait saisis échappait totalement à
leur contrôle et engendrait chez eux à la fois panique et souffrance physique.
On peut se demander si un tel phénomène est "saint" ou non; il me semble au
contraire qu’il indique un manque de respect. Peut-être même est-il démoniaque
et infernal.
Certains assurent avoir retiré d’indiscutables bénédictions de réunions de
cette sorte. En recevant "la bénédiction", ils ont été instantanément libérés de
la dépression ou d’autres troubles opiniâtres de la personnalité. Il ne nous est
pas possible de condamner catégoriquement les bénédictions manifestes dont
beaucoup témoignent, de les traiter de contrefaçons: Dieu est toujours libre de
bénir qui Il veut. Mais ce que je veux faire ressortir, c’est que si l’ennemi
parvenait à faire que l’Eglise voie dans la bénédiction le critère déterminant
pour juger si tel phénomène est d’origine divine ou non, alors plus rien
n’empêcherait la séduction de jouer à plein.Quant à moi, je choisis de prendre
mes distances par rapport à de tels phénomènes, en me confiant dans le Seigneur
pour que si jamais je passe à côté de quelque chose, ce que je perdrai ne soit
pas plus grand que ce que je chéris et protège; en espérant que le Seigneur
n’est pas offensé par une prudence qui aime mieux pécher par jalousie pour Sa
sainteté que de risquer de pervertir les choses pures et vraies qu’Il a déjà
données. Je veux parler de ce dépôt procédant d’une connaissance de la sainteté
de Dieu, cette connaissance qu’on obtient par le moyen de l’obéissance à Dieu et
de la communion avec Lui: voilà le trésor que nous chérissons et préservons
depuis bien des années. Quel chrétien, après avoir connu ne serait-ce qu’une
fois cette Présence-là pourrait supporter l’ambiance carnavalesque caractérisant
l’enregistrement évoqué précédemment ?
Je ne me suis jamais remis, et j’espère ne jamais me remettre d’une étrange
expérience qui remonte à vingt ans. Au cours d’une convention internationale,
j’étais sur l’estrade, et les gens s’effondraient de tous les côtés, "tombant
dans l’Esprit" avec ostentation, alors que tout sentiment de la présence de Dieu
faisait défaut ! Une manifestation de puissance sans la présence de Dieu, au
milieu des cris aigus d’exaltation charnelle et ces éclairs des flashs
photographiques était au-delà de ce que je pouvais supporter. Au risque de
pécher contre la bienséance et contre les bonnes relations avec d’autres
ministres de l’Evangile, je me sentis obligé de partir.
Comme c’est étrange. Nous avons reçu des mises en garde explicites contre les
"signes et prodiges" menteurs qui surviendront dans les derniers
temps.(Matt.24:24, et II Thess. 2:9). Nous nous figurons pourtant que toutes ces
choses sont encore à venir, et sans réfléchir, nous faisons naïvement confiance
à des personnalités peu claires qui remportent du jour au lendemain des succès
retentissants auprès des foules, tant nous sommes friands d’expériences, de
libérations, de manifestations de puissance. J’ai un profond respect pour la
manière dont Dieu se sert des choses folles et faibles, mais je ne peux pour
autant cautionner les manifestations criardes, superficielles, et grossières.
"Sainteté à l’Eternel", tel est encore le mot d’ordre dans la maison de Dieu,
même si aux yeux du monde ou à nos propres yeux cela nous rend modestes et peu
impressionnants.
J’en suis sûr, au moment où tant de voix portent aux nues le réveil (ou le
renouveau) actuel, un chrétien sérieux ne s’offusquera pas de mes propos
modérés, qui visent à édifier. Une des choses les plus inquiétantes, en ce
moment, c’est peut-être la note de mise en garde qu’on fait retentir à propos de
ceux qui émettent des réserves: on voit en eux "des obstructeurs", "des
ennemis", "des menaces" pour les bienfaits que Dieu répand. On nous invite,
semble-t-il, à abandonner toute retenue. "Allez-y, jetez-vous à l’eau ! Ou alors
si vous en êtes incapables, poussez-vous, laissez passer les autres !" Dieu est
bien capable, j’en suis persuadé, de protéger comme de perfectionner ce qui est
à Lui (Col.1:28). Je ne peux que me poser la question: Ne sont-ce pas là des
intérêts humains qu’on défend avec tant de véhémence ? Ne sommes-nous pas au
début d’un processus qui à terme pourrait nous mettre dans la situation annoncée
par le Seigneur: "l’heure vient où quiconque vous fera mourir pensera offrir un
culte à Dieu". (Jean 16:2).Je voudrais citer ici un avertissement que donnait T.
Austin Sparks, et qui est peut-être encore plus d’actualité maintenant que
lorsque l’auteur l’a écrit il y a quelques décennies, au sujet de la soif
qu’avaient les Corinthiens de "preuves spectaculaires".
On dirait bien que nous récoltons à présent ce qui fut semé à la légère dans
le Mouvement Charismatique. On a, alors, entretenu l’immaturité chez beaucoup de
gens en leur enjoignant de prendre des "décisions" faciles; on a encouragé
l’indolence, le refus de la croix, un style de vie désordonné, un culte effréné
de la personnalité, la superficialité et la légèreté dans les réunions.
Actuellement, nous vivons des temps semblables. Cet âge est de plus en plus
‘psychique’ . Nous sommes en un temps où l’on cultive les débordements de l’âme,
laquelle s’affirme elle-même et se met à tout contrôler dans la chrétienté et
hors de la chrétienté. C’est l’âge du psychisme: alors veillez à ne pas
retourner en arrière, ne soupirez pas après ce domaine-là. Avez-vous soif de
signes ? J’ai vu de chers frères et sœurs prostrés sur le sol, gémissant,
pleurant, et réclamant des signes et des preuves à grands cris. Des chrétiens,
de chers serviteurs de Dieu, puissamment utilisés par Lui sont en train de
susciter une ambiance où l’émotion est reine, une ambiance psychique. Cela
entraîne les âmes sensibles et simples dans des comportements qui tôt ou tard
provoqueront de graves désillusions et seront une occasion de chute. Pour
certains, le Seigneur sera une occasion de chute (Matt. 11:6) et c’est très
exactement ce que recherche le diable." ("Called Unto the Fellowship of His
Son", page 46, publications Emmanuel Church, 12000 E. 14th Street, TULSA, 0K
74128, U.S.A.)
Personnellement, je me crois prêt à tout risquer, à tout oser pour le
Seigneur, mais sûrement pas pour obtenir une "bénédiction", ou quelque
expérience douteuse véhiculant un bienfait apparent. Je préfère (en conformité,
je crois, avec l’Ecriture) chercher la racine de la dépression selon ce que dit
la Parole. En général, il s’agit de désobéissances qui ne sont pas reconnues
comme telles. Cette démarche s’accomplira pour l’essentiel en présence de la
partie du Corps devant lequel je suis responsable et auquel je suis
véritablement relié (Eph. 4:15). Préférer "une expérience" comme remède
instantané plutôt que de se soumettre à cette discipline, c’est courir des
dangers spirituels. Le Seigneur n’est-il pas proche de tous ceux qui Le
cherchent ? Peut-on parler de bienfait durable, là où nous avons seulement
éprouvé un soulagement au niveau des symptômes découlant d’une faille grave dans
la personnalité, si cette faille demeure ? Quoiqu’il advienne du présent réveil,
il se peut que la chose la plus remarquable à l’avenir soit la repentance
profonde de milliers de personnes brisées qui reconnaîtront qu’elles se sont
laissé séduire, qu’elles ont manqué du discernement le plus élémentaire en se
hâtant de courir après des démonstrations de puissance dans des ambiances si
contraires à ce qu’on sait de la sainteté de Dieu et de Sa nature.Il est évident
qu’une puissance est à l’œuvre. Il s’agit de savoir de qui elle émane.
Qui donc dispense des solutions de substitution, une joie inférieure en
qualité à celle de Dieu, au "bénéfice" des gens immatures, charnels, et
dépourvus de discernement ? Cela nous peine de constater que parmi ceux qui ont
reçu "la bénédiction", certains ont cessé de s’intéresser à la vision
apostolique ou sont allés jusqu’à la répudier ! Tout se passe comme s’il
s’agissait de réalités qui s’excluent réciproquement ! A supposer que nos
craintes soient exagérées et si les phénomènes en question sont de Dieu (tout en
s’accompagnant de certains excès manifestes), en quoi les "signes et prodiges"
menteurs à venir diffèreront-ils de ce qui se passe déjà sous nos yeux ? Sur
quels critères établira-t-on ces différences ? Avons-nous dès maintenant une
maturité suffisante pour discerner ces différences capitales ? Par quels moyens
parviendrons-nous à cette maturité si d’ores et déjà nous sommes enclins à
traiter d’ennemis ceux qui ne font que poser des questions ? Ceux qui se les
posent se voient ridiculiser avec tant de véhémence par les tenants du réveil
que les affirmations de ces derniers en deviennent suspectes. Le fait qu’un
phénomène entraîne une bénédiction, une libération ou une délivrance ne garantit
nullement que ce phénomène soit de Dieu. (Matt. 24:24). Les mêmes puissances
ténébreuses qui ont profité de l’indiscipline ou de l’impureté pour infliger une
oppression peuvent tout aussi bien lever cette oppression. Elles sont capables
de restaurer les relations qu’elles ont brisées ou saccagées, et cela pour une
raison bien simple: pour provoquer une séduction encore pire.
Même l’expérience la plus délectable de "l’amour de Dieu" peut être une
pseudo sensation provoquée par des esprits, chez des personnes aveugles ou
paresseuses qui répugnent aux sacrifices nécessaires pour chercher la face de
Dieu selon la vérité. Est-ce réellement de Dieu qu’on a faim, ou alors a-t-on
faim d’une expérience de Dieu donnant à l’âme angoissée l’assurance que Dieu la
connaît et l’accepte ? N’est-ce pas là le motif inconscient qui fait courir tant
de gens, actuellement, après les prophètes d’aujourd’hui, en quête d’une "parole
prophétique" de ce genre ? Et encourager ce penchant, n’est-ce pas entretenir
l’immaturité plutôt qu’encourager les chrétiens à acquérir la foi qui convient à
des fils ? N’aimons-nous pas mieux être les objets d’une action miraculeuse
entièrement subie, que de rechercher avec diligence le Seigneur en nous fondant
sur les promesses de Sa Parole ? "Vous me chercherez et vous me trouverez, car
vous me chercherez de tout votre coeur". (Jérémie 29:13).Ne sommes-nous pas dans
ces derniers temps à propos desquels on nous a bien dit de nous garder de toute
séduction et d’éprouver tous les esprits ? (1Jean 4:1 et 1Thess. 5:21). Quelle
est notre attente eschatologique (=se rapportant à la fin de toutes choses), et
sur quoi se fonde notre foi ? Ces questions-là ont sûrement une incidence sur
notre degré de réceptivité à toutes ces nouveautés qui promettent de nous bénir
et de nous enraciner dans l’existence présente, tout en nous privant de la
vigilance qui autrement serait la nôtre - et qui doit être la nôtre.
Faut-il ne rien dire de cette "louange" qui nous crève les tympans, de ces
"offrandes" sous haute pression, de ces attitudes théâtrales, de ces
paillardises carnavalesques, de ces cris aigus qui rappellent ceux des damnés et
qui ponctuent le déroulement de certaines réunions ? Faut-il ne rien dire de
cette absence flagrante d’une prédication de la Parole (sinon à titre tout à
fait symbolique), de ces "témoignages" interminables qui émoussent les esprits,
produisant un état d’hébétude incompatible avec la dignité de Dieu - ces
témoignages qui sortent même de la bouche des serviteurs de la Parole ? De tels
phénomènes n’auraient pas été tolérés un seul instant pendant ce réveil
historique qu’a connu le Pays de Calles, et où l’on veillait constamment à
éviter même la musique instrumentale ou une quelconque intrusion humaine; et
voilà qu’on se sert de ces choses à présent, et qu’or les glorifie. Ce réveil
gallois ne fut que "sainteté à l’Eternel" tant que ces critères furent
sauvegardés.
Dieu a-t-Il cessé d’être le Seigneur qui exigeait que Ses prêtres accèdent à
l’autel par un plan incliné et non par des marches, afin que la nudité de la
chair humaine "ne soit pas découverte" ? (Exode 20:26). N’est-Il plus Celui qui
leur faisait porter en permanence un diadème d’or avec l’inscription "Sainteté à
l’Eternel" sur le front, cette partie que nous offrons si facilement maintenant
à l’attouchement qui doit communiquer "la bénédiction" ? N’est-il plus le
Seigneur qui prescrivait, au sujet de l’huile sainte pour l’onction, qu’il ne
fallait rien fabriquer de semblable pour en oindre la chair humaine ? (Exode
30:32-38). Mon désir brûlant est de voir à nouveau ces mots "Sainteté à
l’Eternel" sur le front d’hommes et de femmes ayant vocation de sacrificateurs,
et qui se lèveront pour Dieu en ces temps où des vulgarités sordides menacent de
s’infiltrer jusque dans la Maison de Dieu. C’est le cri que pousse Esaïe
(Es.52:11): "Partez, partez, sortez de là ! Ne touchez rien d’impur !
purifiez-vous, vous qui portez les vases de l’Eternel !" Oui, "purifions-nous de
toute souillure de la chair et de l’esprit, en développant jusqu’à son terme la
sainteté dans la crainte de Dieu." (II Co.7:1).Alors que nous voyons le monde
chanceler sous la violence, les guerres, les désastres comme les tremblements de
terre, les famines, les inondations et les incendies, alors que l’Eglise n’est
pas prête, qu’elle est actuellement dans un tel état de superficialité, ne
conviendrait-il pas plutôt de nous affliger, de prendre le deuil et de verser
des larmes, de changer nos rires en pleurs, et notre joie en affliction ?
Pardonnez-nous, si nous allons trop loin dans le sens de la prudence. Mais nous
serions naïfs de penser que seuls les chrétiens charnels et sensuels peuvent
être la proie des séductions. Les ultimes séductions des derniers jours seront
d’ordre spirituel, "car Satan lui-même se déguise en ange de lumière". (II
Co.11:14). La fin de toutes choses est proche: soyez donc sobres, veillez et
priez. (1Pierre 4:7).
Arthur Katz
(inédit - trad. L.Fleurian)