Pascal, Blaise, 011
Tous les grands divertissements
sont dangereux pour la vie chrétienne; mais entre tous ceux que
le monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à craindre
que la comédie. C'est une représentation si naturelle et
si délicate des passions, qu'elle les émeut et les fait naître
dans notre coeur, et surtout celle de l'amour; principalement lorsqu'on
le représente fort chaste et fort honnête. Car plus il paraît
innocent aux âmes innocentes, plus elles sont capables d'en être
touchées; sa violence plaît à notre amour-propre, qui
forme aussitôt un désir de causer les mêmes effets,
que l'on voit si bien représentés; et l'on se fait en même
temps une conscience fondée sur l'honnêteté des sentiments
qu'on y voit, qui ôtent la crainte des âmes pures, qui s'imaginent
que ce n'est pas blesser la pureté, d'aimer d'un amour qui leur
semble si sage. Ainsi l'on s'en va de la comédie le coeur si rempli
de toutes les beautés et de toutes les douceurs de l'amour, et l'âme
et l'esprit si persuadés de son innocence, qu'on est tout préparé
à recevoir ses premières impressions, ou plutôt à
chercher l'occasion de les faire naître dans le coeur de quelqu'un,
pour recevoir les mêmes plaisirs et les mêmes sacrifices que
l'on a vus si bien dépeints dans la comédie.
Pascal, Blaise, 012
Le docteur, qui parle un quart
d'heure après avoir tout dit, tant il est plein de désir
de dire.
Pascal, Blaise, 017
Les rivières sont des
chemins qui marchent, et qui portent où l'on veut aller.
Pascal, Blaise, 019
La dernière chose qu'on
trouve en faisant un ouvrage, est de savoir celle qu'il faut mettre la
première.
Le webmestre: James Braga disait
aussi qu'on doit garder l'introduction pour la fin.
Pascal, Blaise, 022
Qu'on ne dise pas que je n'ai rien dit de nouveau: la
disposition des matières est nouvelle;
quand on joue à la paume, c'est une même balle dont joue l'un et
l'autre, mais l'un la place mieux.
J'aimerias autant qu'on me dit que je me suis servi des mots anciens. Et
comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps de discours, par une disposition
différente, aussi bien que les mêmes mots forment d'autres pensées par leur différente disposition!
Pascal, Blaise, 037
Puisqu'on ne peut être
universel en sachant tout ce qui peut se savoir sur tout, il faut savoir
(un) peu de tout. Car il est plus beau de savoir quelque chose de tout
que de tout savoir d'une chose.
Cette universalité est
la plus belle. Si on pouvait avoir les deux, encore mieux, mais s'il faut
choisir, il faut choisir celle-là, et le monde le sent et le fait,
car le monde est un bon juge souvent.
Pascal, Blaise, 043
Certains auteurs, parlant de
leurs ouvrages, disent: «Mon livre, mon commentaire, mon histoire,
etc.» Ils sentent leurs bourgeois qui ont pignon sur rue, et toujours
un «chez moi» à la bouche.
Ils feraient mieux de dire:
«Notre livre, notre commentaire, notre histoire, etc.» vu que
d'ordinaire, il y a plus en cela du bien d'autrui que du leur.
Pascal, Blaise, 044
Voulez-vous qu'on croie du bien
de vous? n'en dites pas.
Pascal, Blaise, 045
Les langues sont des chiffres,
où non les lettres sont changées en lettres, mais les mots
en mots, de sorte qu'une langue inconnue est déchiffrable.
Pascal, Blaise, 047
Il y en a qui parlent bien et
qui n'écrivent pas bien. C'est que le lieu, l'assistance les échauffe,
et tire de leur esprit plus qu'ils n'y trouvent sans cette chaleur.
Pascal, Blaise, 048
Quand dans un discours se trouvent
des mots répétés et qu'essayant de les corriger, on
les trouve si propres qu'on gâterait le discours, il faut les laisser,
c'en est la marque; et c'est là la part de l'envie, qui est aveugle,
et qui ne sait pas que cette répétition n'est pas faute en
cet endroit; car il n'y a point de règle générale.
Pascal, Blaise, 049
pyrrhonien pour opiniâtre.
Pascal, Blaise, 057
Je me suis mal trouvé
de ces compliments: «Je vous ai bien donné de la peine; Je
crains de vous ennuyer; Je crains que cela soit trop long.» Ou on
entraîne ou on irrite.
Pascal, Blaise, 060
Que l'homme contemple donc la
nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu'il éloigne
sa vue des objets bas qui l'environnent. Qu'il regarde cette éclatante
lumière, mise comme une lampe éternelle pour éclairer
l'univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour
que cet astre décrit et qu'il s'étonne de ce que ce vaste
tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à
l'égard de celui que les astres qui roulent dans le firmament embrassent.
Mais si notre vue s'arrête là, que l'imagination passe outre;
elle se lassera plutôt que de concevoir. Tout ce monde visible n'est
qu'un trait imperceptible dans l'ample sein de la nature. Nulle idée
n'en approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au -delà des
espaces imaginables, nous n'enfantons que des atomes, au prix de la réalité
des choses. C'est une sphère dont le centre est partout, la circonférence
nulle part. Enfin c'est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance
de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée. Que l'homme,
étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix
de ce qui est; qu'il se regarde comme égaré dans ce coin
détourné de la nature; et que de ce petit cachot où
il se trouve, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre,
les royaumes, les villes et soi-même à son juste prix. Qu'est-ce
qu'un homme dans l'infini? Mais pour lui présenter un autre prodige.