La fascinante histoire des coutumes familiales des bamilekes
Si vous êtes camerounais, vous pourrez comprendre probablement ce que je vais vous raconter – avec l’aide de ma femme ! Pour les autres, gardez bien votre concentration et bonne chance !
Dans une famille bamileke (et dans plusieurs autres tribus d’Afrique), les femmes des enfants de sexe mâle sont les femmes de tous leurs frères y compris des soeurs, non pas dans le sens qu’elles vont coucher avec eux mais dans le sens qu’elles doivent leur donner le même respect qu’à leur mari car les frères et les sœurs de leurs époux peuvent se solidariser ou se désolidariser avec ces derniers en leur faveur ou leur défaveur (même autorité dans leur vie) simplement parce qu’ils ont la même mère et le même père. Cependant les belles soeurs des mariées ne doivent pas profiter de cela pour gêner leurs “femmes”, c’est-à-dire les épouses de leurs frères, si vous me suivez encore !
La maman est le “mari” en chef de toutes ses belles-filles car elle s’occupe d’elles de son vivant, ne serait-ce qu’en exhortant leurs maris qui sont ses propres fils à prendre à mieux cœur leur responsabilité de mari. Des fois, les maris respectent et couvrent leurs épouses d’amour malgré de petits désaccords dans leur foyer juste par respect pour le regard de leur maman.
Donc quand une maman décède, c’est comme si les belles-filles avaient perdu leur premier mari. On voit les deux belles-filles avec une marmite sur la tête, ceci signifie que leurs marmites seront vides désormais parce que leur mari (leur belle-mère) n’est plus. Les tailles ont aussi une signification ; la dernière à rentrer dans la famille porte la plus grosse marmite. Les queues de cheval – chacunes coûtent au moins 20,000 FCFA - ont aussi leur signification, mais ma femme, malgré sa mémoire phénoménale (ci-dessous, debout en blanc au centre) ne se rappelle plus laquelle.
Parlant de la succession au Cameroun et dans bien des traditions africaines, la “succession” ici s’apparente à ce que nous appelons en occident le “testament” avec ses particularités bien entendu. Il est clair que dans la rédaction de celui-ci, les biens sont répartis entre les personnes que le futur défunt chérit de son vivant.
Aussi, celui qui rédige son testament, doit prévoir les personnes ou la personne qui restera après sa mort pour répondre en ses lieux et place soit en un mot “son successeur” ou “ses successeurs” (dans ce second cas, un successeur principal et son adjoint). Les futurs successeurs ne le sont pas seulement de nom. Ils héritent en même temps de toutes les conséquences positives et négatives liées à leur nouveau statut social.
Par exemple, c’est le remplaçant de la défunte maman qui va recevoir la part de la dot qui était destinée à la maman. C’est la même personne pendant la dot qui effectue toutes les dépenses liées a la charge de la maman notamment, la réception de son gendre et sa famille, etc. Car quand une femme est dotée, chaque membre de la famille élargie reçoit sa part ; les parents, les frères et soeurs, les oncles et tantes, j’en oublie peut-être !
Chaque individu (femme et homme) a donc le devoir de préparer son testament pour le moment où il ne sera plus de ce monde. Il se charge de se trouver un successeur dans sa parenté dont les privilégiés sont généralement ses propres enfants, cela peut être un homme ou une femme. C’est chacun qui désigne son successeur car c’est discrétionnaire sauf dans le cas où un membre de la famille décède très jeune, sans avoir eu le temps de rédiger son testament, alors la famille siège et en désigne un en son nom.
Il faut noter que habituellement les enfants de sexe mâle succèdent au papa et ceux de sexe femelle à la maman. Cependant, sachant que la nomination du successeur dépend de la seule personne qui le désigne, un papa peut s’en choisir parmi ses enfants de sexe femelle et vice-versa.
Suivant cette logique assez déroutante pour un occidental que la maman est le “mari” en chef de toutes ses belles-filles, on pourrait penser que le papa est la “femme” de tous ses beaux-fils, mais cela n’est pas le cas !
C’est ainsi que Herman, le cousin maternel de ma femme est devenu le successeur de son papa (le grand frère de la mère de ma femme) qui était le chef de sa famille maternelle. En lui succedant, Herman devient le chef de la famille maternelle de ma femme car il agit en lieu et place de son feu papa qui l’a nommé. Herman est donc devenu mon chef par alliance puisque j’ai marié sa “fille” qui est sa cousine dans les faits. Je lui dois donc un respect particulier… j’avoue que j’y ai mis un certain temps avant de comprendre pourquoi ! Il est très sympathique par ailleurs et j’ai hâte de le rencontrer en personne, ce qui n’est pas évident puisqu’il habite en France et moi au Québec !
Ça, c’est seulement sur le côté maternel. Ma belle-mère a nommé son fils Simplice comme successeur et sa fille Michèle comme adjointe avant de décéder. Mon beau-père n’a pas fait connaître encore son successeur pour le moment.
Ainsi donc, nous voyons par cet exemple que la famille bamileke en particulier et africaine en général, a su développer plusieurs stratagèmes pour garder serrés les liens familiaux et encourager l’entraide mutuelle. Ce qui est très songé de leur part dans un pays où le gouvernement ne prend pas toujours en charge le bien-être de ceux qui ne sont pas ou plus en mesure de gagner leur propre pain.
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